Historique de la gare de Sailly Flibeaucourt
Dans la seconde moitié du XIXème siècle, la France s’est dotée d’un important réseau de chemin de fer à écartement « normal ». Cependant la construction de ces lignes était trop onéreuse pour permettre une desserte dense des régions rurales. C’est pourquoi, à partir de 1880, fut envisagé l’établissement de « nombreuses lignes « d’intérêt local« . Généralement construites à écartement « étroit », ces lignes étaient moins coûteuses à installer et à exploiter, ce qui justifia leur appelation de « chemins de fer économiques ».
Les lignes assurant la desserte de la Baie de Somme et de ses alentours prirent le nom de « groupe des Bains de Mer ». Elles reliaient Noyelles au Crotoy, St Valéry, Cayeux, Abbeville à Dompierre-sur-Authie et Noyelles à Forest-l’Abbaye. (cf la carte).
La ligne Noyelles/Forest-l’Abbaye fut inaugurée le 24 août 1892, longue de 11km elle séparait les lignes du Crotoy et de St Valéry à la sortie de la gare de Noyelles pour longer les garages, passer au-dessus des voies Nord en direction de Calais. Après avoir traversé le Dien, elle rejoignait la Halte de Sailly Bray puis une rampe la conduisait sur le plateau du Ponthieu pour rejoindre Sailly le Sec (qui devint par la suite Sailly-Flibeaucourt), puis Nouvion en Ponthieu et Forest-l’Abbaye, point de jonction avec la ligne Abbeville/Dompierre.
Dès le début, le réseau connut une grande affluence de voyageurs pendant la période estivale. De nombreux habitants du Nord de la France et de la région parisienne vinrent en villègiature dans les stations balnéaires de la Baie de Somme.
En 1914, l’horaire comportait, sur le réseau des Bains de Mer :
– 11 courses Noyelles/St Valéry dont 5 prolongées jusqu’à Cayeux
– 6 Noyelles/le Crotoy
– 3 Noyelles/Forest-l’Abbaye
– 3 Abbeville/Dompierre
A Cayeux, un embranchement desservait l’usine de concassage des galets, mais on chargeait aussi des convois entiers des galets en vrac à destination du port de St Valéry ou de la gare de Noyelles.
A l’automne les bettraves récoltées sur tout le réseau convergeaient à la râperie de Lanchères, grâce aux navettes incessantes des trains supplémentaires mis en marche à cet effet d’octobre à janvier.
A l’époque, de nombreuses opérations s’effectuent à la gare : le cultivateur amenait ses bettraves dans un tombereau ou dans un chariot qui était soumis à un premier passage sur la « bascule » de la gare.
On effectuait ensuite un prélèvement pour établir la tare (le poid à vide) : des betteraves étaient placées dans une manne, elles étaient nettoyées, décolletées. Le chariot était ensuite déchargé par les employés de bascules. En repassant le chariot vide sur la bascule on évaluait ainsi la quantité de betteraves livrées. Les agriculteurs venaient ensuite reprendre les pulpes à la gare pour nourrir leurs bêtes.
La gare de Sailly-Flibeaucourt employait 12 personnes durant la saison de betteraves, Mrs Vasseurs Joanis, Dufresne Emile, Roland Henri, Roger Gaffet, entre autre, faisaient office de « basculeurs », ils chargeaient les wagons… Mme Monvoisin était la chef de gare en titre, son mari quant à lui, travaillait sur la voie ferrée.
La râperie de Lanchère approvisionnait la sucrerie de beauchamp, la râperie de Crécy, quand à elle approvisionnait la sucrerie d’Abbeville, à l’époque le jus des betteraves était acheminé sous terre, par des canalisations prévues à cet effet!
Le chemin de fer transportait aussi les coques ramassées en baie par les pêcheurs à pieds, ainsi que de la chicorée pour la cosseterie (séchage et torréfaction) de St Valéry (qui ferma au début des années 60), des pommes et des pommes de terre.
En 1938, la desserte quotidienne assurée sur le groupe des Bains des mer se composait de :
– 4 trains vapeurs et 2 autorails Noyelles/Cayeux
– 1 à 2 navettes Noyelles/St Valéry
– 3 trains et 4 autorails Noyelles/le Crotoy
– 2 trains et 1 autorail Noyelles/Forest-l’Abbaye
– 4 à 5 autorails Abbeville/Dompierre
En plus du trafic voyageurs régulier, des trains spéciaux étaient mis en marche à l’occasion des foires agricoles, des fêtes locales ou des régates.
Avec les années 30 vint aussi la loi sur la coordination des transports. La ligne Noyelles/Forest-l’Abbaye en fit les frais la premières : elle fut fermée aux voyageurs le 7 novembre 1938. Cependant, la seconde guerre mondiale et son cortège de restrictions, notamment la pénurie de carburant, vont impliquer la reprise du trafic dès 1940. L’année 1941 vit même la mise en place d’une ligne directe Abbeville/Forest-l’Abbaye/Noyelles pour cause de reconstruction du pont franchissant la Somme.
Après la guerre, la ligne Abbeville/Canchy/Neuilly fut fermée à tout trafic (marchandise et voyageurs). Le tronçon Noyelles/Sailly/Nouvion/Forest l’Abbaye/Crécy resta, quand à lui, ouvert aux voyageurs jusqu’au 1er février 1951. Entre Crécy et Dompierre ne circulait plus que des trains de marchansises, c’est la fermeture de la râperie de Dompierre qui marqua la fin de cette jonction. Le tronçon Noyelles/Forest-l’Abbaye subsiste jusqu’à la fermeture de la râperie de Lanchères en 1965.
Le trafic s’était mis à décliner lentement mais sûrement :
– 150 000 voyageurs en 1958
– 75 000 voyageurs en 1969 (Dernière année de l’exploitation intégrale du réseau des Bains de Mer.)
Idem pour les marchandises. Le trafic de galets concassés entre Cayeux et Noyelles subsista jusqu’en 1970.
Le développement du réseau routier explique notamment ce déclin des transports ferroviaires.
Informations : Mr Maurice Testu
Membre de l’association CFBS
:
: