La forêt de Cantâtre
Cette forêt était étendue sur les parties orientales et méridionales de la commune de Sailly le Sec.
Elle formait un triangle :
Étymologiquement « Cantâtre » viendrait du latin « campus alter » qui signifie « champ noir ».
On peut raisonnablement penser que cette forêt était déjà présente à la période gauloise, en effet, plusieurs tombes y ont été retrouvées (des tombelles similaires à celles retrouvées dans l’arrondissement d’Abbeville) ainsi que des fosses. En outre, des sortes de jattes profondes ont été mises au jour. D’après les spécialistes, il y aurait là traces d’habitations gauloises (tuguria). A titre indicatif, il faut savoir qu’on retrouve ce même genre de trous dans le très important site archéologique de Bibracte (Bourgogne).
Une autre origine étymologique est esquissée,
mais qui paraît cette fois beaucoup moins plausible. En effet, « Des druides auraient établi leur temple dans cette forêt et y auraient pratiqué leurs sacrifices et chanté les louanges de leurs dieux ». De là serait venu le nom de Cantatre (de « cantare » en latin chanter).
Il s’agit là pour le moins d’une interprétation tout à fait erronée des pratiques druidiques de l’époque gauloise. Car s’il est possible que des druides fussent présent dans la forêt pour y trouver leurs matières premières ou prodiguer leur enseignement, il est par contre tout à fait improbable qu’ils aient pu y établir un lieu de culte et encore moins y pratiquer quelconques rituels sacrificiels sanglants. Il s’agit là des restes d’une imagerie romantique des pratiques druidiques, largement développées par les intellectuels du XIXe siècle. Donc, au risque de décevoir les amateurs de merveilleux et de fantastique, la forêt de Cantatre ne sera pas une seconde Brocéliande…
Si on avance un peu plus dans le temps, au Moyen-Age, la forêt de Cantatre apparait dans une Charte pour des défrichements. Le Comte de Ponthieu ordonne ainsi le défrichement de 50 verges de forêt. De plus, cette dernière fut également exploitée par les religieux de Saint Pierre et les frères du Val de Buigny.
Au XIIIe siècle, on apprend que la forêt nourrissait une quantité énorme de cerfs, mais donnait également lieu, dans certains cas, à des procès verbaux, lors de conflits de chasse notamment.
A l’époque moderne, c’est par l’entremise d’un haut personnage, Louis-Wulfran de Vismes, qu’on retrouve mention de la Forêt. Ainsi, au XVIIIe, le Noble Homme Messire Louis-Wulfran de Vismes (1682-1767), échevin d’Abbeville, Maître notaire royal à Abbeville, confirmé en sa noblesse en 1742, par jugement d’Armes, marchand en gros de soiries, fut non seulement receveur général pour Marie d’Orléans, duchesse de Nemours, de la chatellenie de Noyelles-sur-mer, mais aussi receveur de la forêt de Cantatre puis du prieuré de St Pierre, de la terre et seigneurie de Domvast vers 1677, mais également adjudicataire des bois de la forêt de Cressy et receveur général du duché d’Aumale.
Enfin, l’époque contemporaine, sonne le glas de cette forêt qui avait pourtant réussie à traverser les Ages. En effet, en 1830, le nouveau gouvernement décrète que tous les biens que possédait l’ancienne famille royale de Charles X seraient aliénés, la forêt de Cantatre en faisait partie. Elle fut donc vendue.
Se fut alors la l’escalade entre spéculateurs et avides acquéreurs qui obtinrent progressivement l’autorisation de défricher. Malgré l’intervention du garde général des forêts de l’époque, Mr Bouteiller, les acquéreurs l’emportèrent. Se fut la fin de la forêt de Cantatre et aussi des ressources qu’elle apportait aux indigents de la localité.
Seulement deux petites parcelles auraient échappées à l’abattage :
– l’une aurait appartenue à la famille Valanglart.
– l’autre fut la possession de Mr Dupuis de Buigny Saint Maclou.
Si aujourd’hui on ne peut plus vraiment parler de « forêt », il demeure néanmoins quelques hectares de bois sur la commune de Sailly-Flibeaucourt.
A noter, qu’il existe encore aujourd’hui une rue de Sailly-Flibeaucourt, du nom de Cantâtre.
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